Guinée
Matériel électoral détruit, bâtiments administratifs incendiés, boycott de l’opposition, coronavirus. Les tensions en Guinée n’ont pas fait reculer le pouvoir qui a maintenu pour dimanche un référendum constitutionnel soupçonné de permettre au président Alpha Condé de rester plus longtemps en place.
Ces tensions persistent alors qu’une menace de privation d’internet plane, des compagnies fournissant son accès en Guinée ayant mis en garde ces jours-ci contre le risque de coupures pendant le scrutin prévu de 08 H00 à 18 H00 (locales et GMT).
Après avoir reporté la consultation à la dernière minute il y a trois semaines dans un climat de vives tensions, le gouvernement demande aux Guinéens d’aller dimanche dire oui ou non au projet de nouvelle Constitution voulue par le président. Ils pourront aussi élire leurs députés.
La Constitution déchaîne les passions. Depuis mi-octobre, des dizaines, voire des centaines de milliers de Guinéens sont descendus dans la rue contre l’intention prêtée à M. Condé d’essayer de se succéder à lui-même fin 2020.
Au moins 31 civils et un gendarme ont été tués. Des dizaines d’opposants ont été arrêtés et jugés. Les brutalités policières sont constamment dénoncées. Amnesty a fait état samedi de quelque “40 jeunes arbitrairement arrêtés” récemment à Conakry et disparus depuis, en plus d’autres arrestations en province.
M. Condé, 82 ans, a été élu en 2010 et réélu en 2015. L’actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats, la nouvelle que propose M. Condé également. Mais, accusent ses opposants, elle lui permettrait de remettre son compteur à zéro.
Un flou entretenu
M. Condé assure qu’il s’agit de doter son pays d’une Constitution “moderne”. Elle codifierait l‘égalité des sexes, interdirait l’excision et le mariage des mineurs. Elle veillerait à une plus juste répartition des richesses en faveur des jeunes et des pauvres.
À la différence de son homologue ivoirien Alassane Ouattara qui a mis fin à des mois de spéculations en mars en annonçant qu’il ne briguerait pas sa propre succession, M. Condé entretient le flou.
Pourquoi serait-il impossible d’autoriser un troisième mandat comme dans d’autres pays ? Demandait récemment l’ancien opposant historique, premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires.
Les remises en cause internationales quant à la crédibilité du vote se sont succédé, étayées par la présence sur les listes électorales de 2,5 millions de noms douteux, soit le tiers du fichier.
Les recommandations des organisations internationales sur le fichier ont été “intégralement prises en compte”, a affirmé le président Condé, dans un discours publié samedi sur la page Facebook de la présidence guinéenne, assurant des scrutins “transparents”.
“On n’a aucune preuve que cette opération (de nettoyage du fichier) a été effectuée”, a déclaré le principal opposant Cellou Dalein Diallo. Monsieur Alpha Condé veut à tout prix aller à cette mascarade avant fin mars”. L’ONU a appelé vendredi à un processus “pacifique et transparent” et un dialogue entre acteurs politiques.
L’opposition a promis de boycotter le vote et d’en empêcher la tenue. Samedi, du matériel électoral a été détruit et des locaux administratifs incendiés en province, selon des témoins et des responsables administratifs.
Mais rien n’a jusqu’alors dissuadé le gouvernement, pas même l’apparition récente du coronavirus.
Covid-19
La Guinée a déclaré deux cas de contamination dont un a été guéri, a annoncé samedi le gouvernement. La présence du Covid-19 suscite une attention dans un pays où la fièvre Ebola a fait 2.500 morts entre 2013 et 2016.
“J’ai comme l’impression que notre pays prend les choses à la légère”, s‘émeut Amadou Oury Bah, banquier et homme politique, “au lieu de donner congé aux enfants pour une période conséquente pour limiter la propagation de cette maladie, les autorités sont plutôt intéressées par leur campagne électorale”.
Le parti au pouvoir appelle à aller voter. “Nous insistons sur le strict respect des règles hygiéniques” dimanche, dit un de ses responsable Fodé Cissé.
Des chefs d’Etat ouest-africains ont annulé leur mission de bons offices au cours de la semaine en Guinée. Avant le vote initialement prévu le 1er mars, deux grandes organisations régionales avaient renoncé à déployer ou avaient rappelé leurs observateurs.
Avec l’attention internationale accaparée par la pandémie, la crédibilité du scrutin de dimanche risque d‘être moins observée, surtout si la Guinée n’est qu’imparfaitement connectée au reste du monde.
Guilab, société gérant la connexion du pays, a prévenu que des travaux auraient lieu ce week-end sur un câble sous-marin desservant le pays. La société de télécommunications MTN a aussi annoncé de possibles pannes d’Internet et de téléphone.
AFP
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